5 fermes d’insertion d’Emmaüs en route vers la transition écologique mobilisées par Déclic Écologique
La ferme de Baudonne à côté de Bayonne dans les Landes a la particularité d’avoir été conçue pour accueillir les femmes.
Par Tristan Duhamel
Fondateur de Déclic Écologique, expert Green It,
spécialiste de l’économie circulaire, zéro déchet, zéro gaspillage
Depuis 9 mois, Déclic Écologique accompagne 5 fermes d’Emmaüs porteuses de très beaux projets sociaux, qui souhaitent s’améliorer au niveau écologique.
Ces exploitations agricoles accueillent des personnes en sortie de prison ou en aménagement de peine afin de faciliter leur retour dans la société. Le matin, ils et elles travaillent aux champs et l’après midi, iels reconstruisent leur vie (administratif, suivi médical, emploi, logement…). La ferme est un espace ouvert bienveillant qui évite que la sortie de prison ne s’apparente à un terrain semé d’embûches !
L’aspect maraîchage de ces fermes ne fait pas partie du périmètre de notre problématique. Il s’agit pour nous d’accompagner ces fermes sur l’hébergement, la restauration, l’entretien, l’énergie, l’eau, les déchets, le numérique. Les fermes lancées dans le programme sont Baudonne, à côté de Bayonne, la seule réservée aux femmes, Moyembrie dans l’Aisne, première ferme du genre, créée par un agriculteur visiteur de prison en 2000, Ker Madeleine à côté de Nantes, Lespinassière près de Carcassonne et Maisoncelle, près de Poitiers. Au total, ce sont 9 fermes et projets de ce type qui existent.
Un programme basé sur la co-construction
Nous déployons un accompagnement en plusieurs étapes résolument tourné vers les solutions concrètes où l’intelligence du groupe, l’intelligence collective va permettre d’impliquer chacun et d’élaborer ensemble les actions à mettre en place.
L’envoi préalable d’un inventaire à remplir par la structure permet de connaître le nombre de personnes concernées, leurs fonctions, les caractéristiques des bâtiments, les consommations d’énergie et d’eau…
L’esprit de l’Abbé Pierre marque profondément ces structures d’insertion à travers l’esprit de fraternité et la main tendu aux personnes en difficulté. Le réemploi est lui aussi dans l’ADN pour l’ensemble du mobilier, du linge comme pour la vaisselle. Un choix très judicieux écologiquement (et économique) car la réutilisation évite la dépenses de ressources nouvelles comme on vous l’explique dans l’article sur le sac à dos écologique d’un produit, son empreinte matière en quelques sortes.
L’équipe TE (transition écologique), cheville ouvrière du programme
Nous proposons également la création d’une équipe TE (transition écologique) constituée de 2 à 6 membres en interne (encadrants, résidents, bénévoles) qui portera les évolutions et la pérennisation de la démarche en la transmettant aux nouveaux arrivants. Il a été très satisfaisant de voir la mobilisation des encadrants pour intégrer cette équipe ainsi que plusieurs résidents se portant volontaires à l’issue des ateliers.
Nous nous déplaçons un jour et demi à la ferme en immersion pour comprendre, voir le fonctionnement et faire émerger les eco-solutions. Nous rencontrons alors les personnes sur le site.
Une visite approfondie des locaux permet de noter un ensemble de points positifs déjà en place (par exemple des détecteurs de mouvement dans des pièces de passage dont il faudra cependant vérifier qu’ils sont bien réglés pour la durée, l’orientation et l’adaptation à la luminosité extérieure), et bien sûr les points d’amélioration comme la présence de beaucoup trop de produits d’entretien (une vingtaine parfois !), des portes qui ferment mal, voire qui restent grandes ouvertes en plein hiver.
Nous remplissons avec l’équipe TE le diagnostic qui compte environ 100 points sur les différentes thématiques de notre périmètre. Il permet, avec l’inventaire et la visite, de faire une « photo » des usages et des aspects structurels.
Le repas du midi, un moment convivial fort. Chacun participe aux tâches de la maison et propose ainsi ses recettes préférées. À Ker Madeleine, les repas du midi sont toujours végétariens et la ferme s’efforce de s’approvisionner en circuit courts, bio et zéro déchet, à commencer bien sûr par les produits de la ferme.
Avec l’équipe transition écologique de la ferme mise en place au début de la démarche, nous allons organiser l’ensemble des éco-solutions identifiées dans le plan d’actions sous forme de diagramme de Gantt pour les 2 ans à venir pour une mise en œuvre progressive.
Les ateliers, points clés de la démarche
Nous animons un atelier d’éco-solutions de 2h30 auquel participent des encadrant.es, des résident.es et parfois des bénévoles.
Ce temps fort a un rôle primordial dans la démarche : il permet tout d’abord de sensibiliser les participants aux questions environnementales directement liées à nos problématiques : déchets, gaspillages alimentaire et autre, énergie, eau, mobilités…
Nous déroulons alors notre méthode d’intelligence collective en 5 étapes pour identifier les points d’amélioration à travers un état des lieux puis faisons émerger les éco-solutions fines et adaptées grâce à celles et ceux qui connaissent le mieux les locaux et les usages.
Ce sont des temps qui permettent l’échange, chacun pouvant partager son point de vue. Selon un responsable, “Cela permet un temps d’échange supplémentaire”.
À la demande du directeur de la ferme de Lespinassière, nous avons animé un deuxième atelier portant sur la biodiversité.
À l’issue de ces deux jours sur site, nous répertorions dans un document unique qui prendra la forme d’un plan d’actions, les éco-solutions : des éco-gestes ou des réglages et investissements structurels.
Le plan d’actions, référentiel pour la mise en œuvre
A posteriori et à distance, avec l’équipe TE, nous répartissons les différentes tâches sur les deux années à venir.
Cette mise en place progressive tient compte de différents facteurs : disponibilité de l’équipe, saisonnalité, compétences à venir, bénévole(s) prêt(s) à s’engager, par exemple :
une diététicienne doit intervenir ? L’approvisionnement en bio sera abordé à ce moment.
Saisonnalité ? Que les carreaux cassés soient remplacés avant l’automne et que la sensibilisation aux températures jour/nuit soit déployée grâce aux affichettes que nous fournissons.
Compétences ? Christian, fan de vélo a proposé la création d’un atelier de réparation car il a été décidé d’acquérir des bicyclettes d’occasion (= pas de nouvelles ressources exploitées) en libre service pour les rdv au village.
Ces fermes sont tout d’abord de magnifiques projets sociaux, comme d’ailleurs d’autres associations que nous avons accompagnées : Wake Up Café Paris (accueil de jour pour le même public), 3 Clubhouses, (accueils de jours pour les personnes en fragilité psychologique), Urgence Homophobie sur le numérique responsable…
Quelle exemplarité qu’elles aient la volonté de “verdir” leurs pratiques en plus de leur apport social ! Il faut toutefois rappeler que cet accompagnement permet de faire des économies sur de nombreux postes et particulièrement sur l’énergie en cette période de précarité énergétique.
Il est en plus très constructif et agréable de travailler avec ces équipes, merci à elles.